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Forces & décalage

De Thierry Charnet-Atlan                                                                              

Extrait (30 pages)

Avis au lecteur

Ce livre aborde, de l’intérieur, la pensée neuroatypique en lien avec le haut potentiel intellectuel. Il a pour vocation d’aider les personnes présentant cette particularité à mieux comprendre leur façon d’être. D’autres profils atypiques comme les hypersensibles se sentiront concernés. Ce texte n’a pas de prétention scientifique, principalement à propos d’un sujet aussi vaste qu’évolutif. Il propose une certaine lecture du haut potentiel intellectuel, dont celui qui accompagne parfois le syndrome d’Asperger, autisme à haut niveau de fonctionnement avec haut potentiel intellectuel (A-HPI). Les hypothèses, propositions et conseils présentés ici n’encouragent pas à l’autodiagnostic. En cas de suspicion d’un format de pensée neuroatypique — HPI, autisme de haut niveau, syndrome d’Asperger, TDAH, hypersensibilité, etc. —, la consultation d’un psychologue clinicien, d’un neuropsychologue ou d’un psychiatre est recommandée. Enfin, le lecteur se forgera sa propre opinion en gardant à l’esprit que chaque personne, qu’elle soit neurotypique ou neuroatypique, est singulière.

Préambule

   Les réseaux sociaux versent dans la caricature ; les médias œuvrent à la vulgarisation ; les professionnels dispensent des analyses diversement qualitatives. Le HPI fascine. Thématique dans l’air du temps, le grand public peut être tenté par une représentation simplifiée. Or, ce format de pensée échappe au sens commun qui le suppose univoque. Son appartenance à la neurodiversité rend compte, au contraire, d’une pluralité de profils. Certains sont dysharmoniques. Parfois, le haut potentiel intellectuel s’associe à un syndrome d’Asperger qui est un trouble du spectre autistique.

   La reconnaissance de ces personnalités cognitives singulières se révèle particulièrement réjouissante, car elle ouvre la porte à tous les profils atypiques. Cependant, elle fait encore l’objet d’approches très inégales.

   Ainsi, certains auteurs polémiquent en procédant par assertion sans disposer d’une assise théorique ou pratique suffisante. Les protagonistes de ces rivalités conceptuelles, courtoises, mais acerbes décochent des flèches qui ciblent la représentation, durement acquise par la clinique, de ce profil psychologique par essence difficile à saisir. Ces guerres de clochers, enfantillages si chers à nos esprits d’adultes, fatiguent les débats. Et, tandis que ces auteurs se délestent de leurs athlétiques réflexions conjecturales, le lectorat venu en confiance s’instruire à la source savante s’en retourne parfois harnaché d’un poids d’incompréhension supplémentaire. Or, si chaque spécialiste apporte sa pierre à l’édifice, aucun ne l'érige à lui seul. Une réserve de principe s’impose sur un objet d’étude si jeune, malgré les remarquables avancées de ces dernières années.

   C’est dans ce contexte que cet essai trouve humblement, mais légitimement sa place. Il s’écrit depuis la pratique et le registre expérientiel d’un coach en psychologie, qui consigne une certaine approche du haut potentiel sur un plan pragmatique et réflexif. Ce texte est une invite à l’introspection. Il ambitionne de conjuguer d’une part, la voie intime d’un fonctionnement mental particulier au sein duquel se façonnent les évènements confidentiels de l’existence. Et propose d’autre part, une mise en perspective à vocation explicative de ces différents contenus ; le tout accompagné de réflexions, de conseils et de quelques témoignages offrant au lecteur l’opportunité de reconnaître tout ou partie de sa propre pensée ou celle d’un tiers.

   Cet ouvrage se présente comme un guide pratique. Il n’impose pas d’ordre de lecture. Clin d’œil aux personnes à haut potentiel, le picorage cognitif dont elles sont friandes trouvera ici l’occasion de se plaire. Quel que soit le profil neuroatypique, chacun trouvera au fil de sa lecture un intérêt pour lui-même ou un proche. En effet, nous partageons tous une mécanique mentale dont les rouages s’engrènent selon des lois générales. Nous pensons, nous parlons, nous apprenons, etc. Certains présentent un substrat qualitativement différent et des modalités de fonctionnement qui les font être au monde d’une manière singulière. Mais, au final, nous ne sommes séparés les uns des autres que par des différences de seuils et de modalités. Hélas, ces dernières sont pourtant suffisantes pour motiver préjugés, rejet voire exclusion.

Chapitre I – Le Cercle de la douance

Us et coutumes, affiliés et sympathisants, dérives

— Qu’est-ce que le QI ? Qu’est-ce qu’être un profil atypique, HPI, hypersensible, autodidacte ? Mise en garde contre une marchandisation du haut potentiel.

Ce chapitre s’ouvre sur un coup de gueule contre une représentation idéalisée et toute puissante du haut potentiel intellectuel. L’accent est mis sur la marchandisation de ce concept par des leaders autoproclamés surdoués. Cette première partie se poursuit par une présentation du Cercle de la douance, dont les membres attitrés appartiennent à deux profils à intelligence élevée. Dans mon référentiel à visée didactique, l’un prend le nom de haut potentiel rationnel et l’autre de haut potentiel intuitif. S’ensuit une brève discussion autour de la notion de philo-cognition. Ce chapitre aborde ensuite la brulante question du QI, le Saint-Agrément en somme, qui décide de tout. Il se conclut en mettant à l’honneur les invités du Cercle de la douance que sont les autres profils atypiques. Leurs différences et leurs souffrances sont en proximité de celles du fonctionnement HPI.

Chapitre II – Les Singularités

Une personnalité cognitive décalée

— Que signifie être HPI en matière de comportements mentaux  ?

Les forces de ce profil nourrissent également le décalage avec les autres. Ce chapitre propose un corpus de connaissances qui intéresse les particularités de ce format de pensée. À savoir, l’instinct grégaire, l’errance thérapeutique, la tournure d’esprit, la lucidité sur fond de naïveté, les implicites et les bruits de fond, les modalités d’apprentissages ainsi que les solitudes.

Chapitre III – Les Territoires de la pensée

Le continent de la Cognition & l’archipel des Sensibilités

— Que signifie être HPI sur le plan de l’organisation de la pensée  ?

Les territoires de la pensée s’étendent du continent de la Cognition à l’archipel des Sensibilités. L’intelligence, représentée par l’espace continental, est envisagée du point de vue de l’hyperactivité cérébrale, de la motivation, de l’hypervigilance et des productions langagières. La sensibilité, en tant que territoire insulaire, compte trois iles. L’hypersensibilité cognitive, l’hypersensibilité sensorielle et l’hypersensibilité émotionnelle.

Chapitre I - Le cercle de la douance

Us et coutumes, affiliés et sympathisants, dérives

   Profil normal, profil atypique, chacun d’entre nous est un être singulier qui prend part à la neurodiversité. Si cette simple vérité était correctement posée dans les esprits, nous n’assisterions pas comme il en va depuis trop longtemps à une approche fantasmée du profil haut potentiel au détriment des personnes réellement concernées.

Ce chapitre comporte quatre parties :

I. Le culte du haut potentiel

Coup de gueule contre une dérive

II. Les membres attitrés

Exceptionnels rationnels & Excentriques intuitifs

III. Le Saint-Agrément

Identification du haut potentiel intellectuel

IV. Les membres invités

Hypersensibles, autodidactes, etc.

   Toute catégorisation psychologique est par définition réductrice. Elle n’est qu’un outil qui limite les risques d’attribuer — ou de s’attribuer — un profil non pertinent. En jetant des ponts entre les différents types d’intelligence élevée, chacun, chacune pourra y reconnaître tout ou partie de son propre système de pensée ou celui d’une personne de son entourage. Les théories et définitions autour du concept de douance sont en constante évolution, de même que la personnalité surdouée est plurielle.

   La courbe de Gauss d’une échelle d’intelligence mentionne que, sur le versant opposé à celui des déficients mentaux, cohabitent deux tribus, lesquelles représentent ensemble 2,3 à 5 % de la population générale. Elles ne sont pas logées à la même enseigne. L’une, sédentaire, s’avère bien implantée dans la société tandis que l’autre, nomade, s’essouffle dans d’incessants efforts adaptatifs.

   La première tribu regroupe des individus à très haut quotient intellectuel que Fanny Nusbaum, chercheuse en neurosciences, baptise « philo-cognitifs laminaires ». Dans mon référentiel, ils sont désignés par hauts potentiels rationnels. Ce groupe de surdoués prospère sur les terres fertiles de l’intelligence « normale » dont il représente l’élite. Parce que leur fonctionnement mental est en adéquation avec le système sociétal, les membres de cette tribu sont les grands gagnants de la loterie cérébrale. À eux l’aisance qui n’exclut pas le mérite pour remporter les meilleures places — quoique le qualificatif « meilleures » prête possiblement à débat. Cela étant, leur haut quotient intellectuel produit également des effets secondaires qui peuvent être pénalisants, voire problématiques. En effet, même si la forme de leur pensée est proche, à certains égards, de la pensée standard, leur haute intelligence peut engendrer un écart de fonctionnement significatif avec la majorité.

   La seconde tribu est celle des hauts potentiels, autrement désignés « philo-cognitifs complexes » par Fanny Nusbaum. Ce sont encore les fameux « zèbres » de Jeanne Siaud-Facchin. Ils appartiennent, dans ma nomenclature, à la catégorie des hauts potentiels intuitifs. Cette famille de surdoués doit son nomadisme à la récusation des logiques concentriques qui tentent de l’enfermer derrière les hauts murs de la pensée neurotypique. En effet, le format de pensée du haut potentiel ne correspond pas au modèle en usage dans la majorité. Celle-ci le juge, d’ailleurs, inutilement compliqué, inadapté, extravagant.

   L’étude conduite par Nusbaum, Révol & Sappey-Marinier (2019) est à ma connaissance la première à réunir les deux tribus au sein d’une même étude. On peut supposer l’intuition géniale de ces auteurs qui ont permis la reconnaissance de deux types de fonctionnements surdoués. Auparavant, les deux tribus n’étant pas distinctes l’une de l’autre ; le terme surdoué était réservé au seul haut potentiel de la seconde tribu.

   Dans cet ouvrage, le terme « rationnel » ou « intuitif » précédé de la locution « haut potentiel » — ou HP — désignera l’un et l’autre des deux profils. Celle-ci est préférée au terme scientifique « surdoué » quelque peu écrasant. Le vocable « zèbre » apparaitra çà et là, évoquant, avec un peu de légèreté, le décalage à l’œuvre dans le fonctionnement du haut potentiel intuitif (seconde tribu).

   Précisons comme l’indique Fanny Nusbaum que chacun est sang-mêlé, mais conserve cependant son appartenance d'origine. Un profil équilibré présenterait un rapport de 60/40 — intuitif/rationnel et vice versa. Des variations jusqu’à 80/20 ne seraient pas rares. Enfin, être un profil atypique n'implique pas de présenter un haut potentiel intellectuel. Les hypersensibles, les autodidactes, les créatifs, etc., peuvent se révéler tout aussi talentueux.

 

I - Le culte du haut potentiel

Coup de gueule contre une dérive mercantile

   L’identification d’un haut potentiel intellectuel suscite à tort de grands espoirs auprès de personnes en mal de repères. Il représente à leurs yeux une quête du Graal capable de donner sens à leurs souffrances. Combien se pressent à sa porte, espérant être touchées par sa grâce  ?

   Cet engouement constitue une aubaine pour certains leaders de la « scène douance », opportunistes, surdoués autoproclamés, qui les accueillent en leur faisant miroiter une représentation idéalisée et absolue du haut potentiel. En substance, ils soutiennent que ce profil, qu’ils encensent pour ses vertus prodigieuses, conférerait à l’esprit de l’heureux élu une force capable d’intercéder en faveur d’un Moi puissant, lequel dominerait par son extraordinaire différence. Évinçant du même coup les dupeuses affections de l’esprit, cette même force restaurerait dans sa merveille le potentiel d’une pensée hors norme, évidemment jusqu’ici sous-exploité !

   Il se trouve que l’identification d’un HPI est conditionnée, entre autres, au sacro-saint test de QI. Or, la confrontation avec l’intransigeance psychométrique — seulement 2,3 % de la population générale — s’avère en principe extrêmement risquée pour les faux gourous, comme pour la plupart de leurs adeptes. Aussi, ces derniers sont encouragés à emprunter des chemins de traverse, quitte à s’arranger avec la réalité. Ils se laissent d’autant plus aisément convaincre que la chimère rend la démarche chez le neuropsychologue inutile, pour ne pas dire obsolète ! En effet, tous ici sont réunis autour du « maitre », parce que chacun et chacune porte les stigmates de la douance. Ceux-ci prennent diverses formes. L’une d’elle est récurrente. Celle d’un préjudice causé par un tiers nommé « les autres ». Compréhension rapide versus lenteur des autres, grande lucidité versus aveuglement et surdité des autres, difficultés relationnelles en raison de l’incompréhension des autres, etc. Un travail sur soi encadré par un professionnel apparait donc comme une démarche fastidieuse, au regard de l’octroi providentiel d’un HPI fantasmé, marketé comme un produit miracle.

   Cependant, ces stratégies de contournement du test de QI ont tendance à enfermer les protagonistes dans des logiques d’obnubilation qui augmentent leur mal-être, en même temps que leur dépendance à l’égard du leader. En protecteur de ses disciples, le maître fait barrage à l’implacable rationalité d’une démarche à caractère professionnel qu’il dévalue au profit de sa doctrine.

   En acceptant ce remaniement de la réalité, les disciples apportent leur contribution à la dynamique de groupe en émettant une plainte. Elle concerne une sensation de décalage avec les autres, un échec scolaire ou professionnel, une sensibilité à fleur de peau, une émotivité accrue, un sentiment d’injustice chevillé au corps, une vie affective instable. Cette difficulté trouvera écho auprès du collectif qui y verra la signature d’un HPI attendant d’être révélé.

   Ensemble, ils se persuadent de présenter une activité de pensée tellement différente du reste du monde. Ils ne résistent pas à se gratifier mutuellement d’un sentiment d’admiration, mais également de compassion pour l’extraordinaire souffrance endurée, en raison d’une intelligence aussi singulière que supérieure.

   C’est ainsi que le profil HPI, auréolé de ses supers pouvoirs, est vénéré dans des forums sur internet, des groupes sur les réseaux sociaux, par le biais de vidéos et de tchat, etc.. Chacune de ces petites formations est construite autour d’un ou plusieurs leaders, dont certains entretiennent dans des livres hâtivement écrits, l’illusion d’une douance à portée de main. Illusion qui brule comme un feu sacré, tandis que l’hystérie collective lui adresse ses chants de louange.

   Ces grand-messes web servent des litanies qui reprennent en boucle des assertions simplistes. Ces propositions partiales invitent à se projeter et apprendre par imitation à se comporter en surdoué, selon le modèle fantasmé donné en référence par le maître. À cela, chacun contribue en témoignant d’un de ses traits de personnalité ou de caractère qu’il suppose éligible à la douance. Alors, peu à peu, par co-construction, un (faux) profil HPI apparait en filigrane, comme par miracle. Ce tour de passe-passe induit que la révélation suffit à elle seule à liquider d’éventuels troubles psychopathologiques sous-jacents. Évidemment, la suggestion demeure tacite et porte en elle une information autant erronée que risquée pour la santé mentale.

   Dans mon viseur, on l’aura compris, tous ces leaders autoproclamés surdoués à partir d’un test bidon, d’un questionnaire dans un magazine ! Ces influenceurs du web se targuent d’être des experts du HPI et portent préjudice aux personnes qui viennent à elles, en confiance. Ils les impressionnent et les invitent à fantasmer. Je pense notamment aux profils intuitifs et surdoués non identifiés, dont la fragile représentation de soi risque de se diluer dans les sottes affirmations de cette propagande, non exempte d’intentions mercantiles.

   Quel dommage de constater la déférence dévote que certains entretiennent avec le concept de haut potentiel. Déférence agissant comme un lavage de cerveau qui délite le sens critique seyant aux esprits éclairés. Le HPI gagnerait à être désinvesti de la fantasmagorie qui lui est attachée. Celle-ci est devenue un prétexte au ralliement de personnes en souffrance qui se perdent en conjectures anxiogènes. Elles s’égarent dans les méandres d’un concept qui a largement dépassé celui de « personnalité cognitive » pour devenir une religion qui célèbre une façon d’être tellement supérieure aux autres par la différence.

   Insidieusement, se dessine une hiérarchisation des systèmes de pensée à l’intérieur de laquelle le HPI occupe la position la plus élevée. Celui-ci apparait comme le nec plus ultra des fonctionnements intellectuels, dominant tout autre style d’intelligence. Sa vénération est celle d’un veau d’or. Elle ne laisse aucune chance aux fidèles de quitter la paroisse. Chacun redoute de se retrouver à nouveau en errance dans le monde tellement ordinaire des neurotypiques, au sein duquel la singularité et l’excellence, évidemment, n’existent pas  !

   La survalorisation du haut potentiel a engendré un véritable mythe de puissance mentale, tel qu’il intimide les authentiques surdoués eux-mêmes. Ils ne se reconnaissent pas dans les prodigieuses prétentions que leur attribuent les fantasmes des fervents et non moins délirants aspirants à la douance.

   Il n’y a rien de plus humain que de chercher le plus court chemin pour atteindre la réussite et la sérénité, mais la détection d’un haut potentiel intellectuel à l’âge adulte n’en fait pas partie. Ce fonctionnement cognitif ne se laisse pas apprivoiser aisément. Il ressort de processus de pensée peu communs et dépendants de l’environnement  ; la question de la quantité d’intelligence demeure secondaire. Œuvrer à développer son potentiel ou « ses zones de haute potentialité » implique d’investir beaucoup de temps, d’énergie et de travail sur soi. Quel que soit son propre système de pensée, se (re) connecter à soi-même constitue une chance inestimable, bien supérieure à celle d’être identifié surdoué.

   Par ailleurs, il existe tant de combinaisons qui rendent compte de fonctionnements mentaux singuliers, que nombre de profils neuroatypiques demeurent inclassables au regard des connaissances actuelles de la science.

Liquider un trouble névrotique et accéder à son être profond est tout aussi intense et jubilatoire pour une personne « normale » que pour une personne HPI. Tout est question de couleur d’âme, de regard posé sur le monde, de courage, de travail aussi, de persévérance, bref, tout ce qui concourt à façonner et à valoriser un être humain.

   Un profil HPI n’est en rien meilleur que celui d’un neurotypique. Il n’apporte pas de supplément d’âme. Simplement autre, sa différence doit être préservée des regrettables amalgames. Chaque personne, unique en son genre, possède une valeur intrinsèque qui ne saurait être réduite à son intelligence, si haute soit-elle. Ne pas être doté d’un HPI ne compromet nullement les chances d’un individu d’incarner une personne exceptionnelle. La réciproque est vraie.

   Pour conclure ce coup de gueule, on ne peut que s’indigner de la façon dont certains instrumentalisent la douance, ne reculant ni devant leur propre ignorance ni leur intention de tirer profit d’un concept complexe. Simplifiée, romancée, idéalisée, la représentation du HPI revêt alors un fort pouvoir attractif auprès de personnes en mal de compréhension, de confiance et d’estime d’elles-mêmes.

   Déroutante, cette représentation génèrera de la confusion auprès d’individus dont la personnalité s’accorde avec un style cognitif classique, normal. Ils seront éhontément trompés si on leur fait miroiter que leur pensée est en accointance avec une qualité d’intelligence hors norme.

   Problématique, elle sera également mal supportée par des personnes à haut potentiel intellectuel ignorant la particularité de leur fonctionnement. Elles seront troublées par la représentation factice que l’on projette sur leur système de pensée.

   Délétère, elle brouillera les investigations introspectives d’une personne surdouée non identifiée, autant que celles des personnalités cognitives atypiques en quête de sens.

Une personne qui peine à cerner ses mouvements mentaux devrait se diriger vers un professionnel de la psychologie. Dans l’intimité de la consultation, sous secret professionnel, elle pourra analyser, comprendre et prendre conscience de ses rouages cognitifs et psychologiques. Et non participer à des groupes sur internet au sein desquels elle a toutes chances de s’égarer en s’étourdissant avec des poudres de perlimpinpin.

II – Les membres attitrés

Exceptionnels rationnels & Excentriques intuitifs

Comment se repérer dans le dédale des appellations désignant l’individu surdoué  ? Pour faire simple, disons qu’il existe deux profils d’intelligences supérieures — inclus l’autisme de haut niveau de type syndrome d’Asperger avec haut potentiel intellectuel (A-HPI) — chacun présentant un fonctionnement spécifique. D’une part, un surdoué classique, normal qui dans mon référentiel est un « haut potentiel rationnel ». Son style cognitif privilégie la pensée convergente laquelle est consciente, rationnelle, logique et séquentielle. Et d’autre part, un surdoué excentrique, hors norme que je nomme « haut potentiel intuitif » en raison de la primauté de sa pensée divergente qui est non consciente, intuitive, associative, analogique et métaphorique. Naturellement, l’un et l’autre sont rationnels et intuitifs, mais chacun d’entre eux présente une tendance plus marquée en direction de l’une de ces deux dispositions. Le recours aux adjectifs rationnel et intuitif sert ici une visée didactique et n’a pas de fondement scientifique. L’appellation « surdoué (e) » représente le terme scientifique  ; « haut potentiel intellectuel » est communément admis.

 

1 - Les faux jumeaux

 

— Surdoué, haut potentiel rationnel, haut quotient intellectuel et philo-cognitif laminaire évoquent le même profil. Ce dernier, néologisme créé par Nusbaum (2019), peut présenter quelques nuances théoriques.

   Il s’agit d’une personnalité cognitive plutôt classique, habitée par une très haute intelligence. L’enchainement de ses pensées s’exécute selon une logique formelle, capable de produire des raisonnements aussi rapides que qualitatifs. Ils se démarquent de façon significative de ceux rencontrés dans la population générale. Ses processus mentaux se déploient selon un format de pensée majoritairement répandu, cependant soutenu par un langage pointu et précis, associé à un haut niveau de concentration qui donnent à sa machine à penser des allures de rouleau compresseur. Si l'on s'en effraye, cela accentue son sentiment de décalage avec les autres, alors qu’il n’a aucune intention de gêner son interlocuteur.

   S’il dispose de lignes de force exceptionnelles et que ses productions intellectuelles sont en phase avec les attendus de la société, il n’est pas, toutefois, à l’instar de son faux jumeau haut potentiel intuitif un champion des développements créatifs. Sa crainte des émotions a tendance à le conduire au surinvestissement intellectuel. Cela se traduit par des rationalisations protectrices dont le rôle consiste à filtrer certaines stimulations — jusqu’à imposer et s’imposer à lui-même des règles qui lui confèrent une allure psychorigide. Sa pensée divergente demeure plutôt l’auxiliaire de sa pensée convergente.

   L’ensemble de ces privilèges corticaux constitue un haut potentiel qui se réalise en répondant aisément aux attentes institutionnelles des plus modestes aux plus élevées, de sorte qu’il parait socialement bien adapté. En effet, les apprentissages, les enseignements institutionnels qui lui sont proposés se déroulent dans des conditions conformes à son fonctionnement.

   D’un point de vue fonctionnel, l’hémisphère cérébral droit prédominerait.

   Sa puissante intelligence peut s’avérer problématique sur le plan relationnel en raison de la vélocité de sa pensée convergente (logique, rationnelle, etc.)

   Le QI homogène de ce profil le place dans la catégorie des hauts potentiels rationnels et celle, conjointement, des philo-cognitifs à dominance laminaire.

— Surdoué, haut potentiel intuitif, haut potentiel intellectuel, zèbre, philo-cognitif complexe recouvrent le même concept, sauf à dire que ce dernier présenterait des spécificités propres à la classification de F. Nusbaum (2019).

Une personnalité cognitive plutôt excentrique, marquée par une haute intelligence dont les processus de pensées opèrent selon une logique intuitive qui procède par associations et par analogies. Elle est spontanément métaphorique, car l’image est le plus court chemin reliant l’intuition à la rationalité, le non-conscient au conscient. La métaphore colore de façon singulière la communication. Atypique et minoritaire, cette qualité d’intelligence repose sur l’équilibre de deux composantes fortement imbriquées : une pensée divergente qui est non consciente et éminemment intuitive, appariée à une pensée convergente laquelle est consciente et rationnelle.

   Sur le plan fonctionnel, la prédominance de l’hémisphère cérébral gauche est si marquée qu’elle peut inhiber l’hémisphère controlatéral droit, lorsqu’il y a nécessité d’augmenter l’efficacité de la pensée.

   La singularité de ce profil dont le QI est hétérogène, le situe dans la catégorie des hauts potentiels intuitifs et celle conjointement des philo-cognitifs à dominance complexe.

Une présentation distincte de ces deux profils ne doit pas laisser penser qu’appartenir à l’un exclut toute proximité avec l’autre. Aucun n’est totalement rationnel ou exclusivement intuitif. Chacun emprunte à l’autre profil. D’ailleurs, certains surdoués se retrouvent à la croisée des chemins, sans naturellement se départir de leur profil initial. Cet équilibre peut servir d’objectif à atteindre si vous cherchez à optimiser votre faculté d’adaptation sans renoncer pour autant à votre singularité. Ainsi, un HPI intuitif peut se sentir en affinité fonctionnelle avec un HPI rationnel, davantage qu’en compagnie d’individus appartenant à son propre groupe de référence. La réciproque est également vraie, quoique moins fréquente, en raison de la prédominance de la pensée intuitive (chez le HPI intuitif) qui augmente la difficulté de traitement. Les interactions peuvent alors apparaitre plus compliquées et embarrasser un HP rationnel.

 

2 - Le droit à la différence

 

   Bien aborder le haut potentiel intellectuel, c’est capitaliser sur la dissemblance des deux profils, sans chercher à la relativiser.

   Pourtant, certains auteurs tentent de réduire l’importance de l’une pour augmenter celle l’autre. Ils sont favorables à un déclassement du profil intuitif et à son assimilation au profil rationnel, donné en modèle. Cette simplification relève au mieux de la pensée unique pour laquelle l’altérité n’est pas une chance.

   Donner le fonctionnement du haut potentiel rationnel pour référence de ce qu’il est convenu de désigner par intelligence très supérieure, au motif que la majorité de la population décode l’engrenage de ce format de pensée, constitue un acte de dénégation à l’endroit des personnes à haut potentiel intuitif. Ce n’est assurément pas le bon chemin.

   La façon que ces derniers ont de penser le monde est d’une autre nature. Les plus modestes et inégales compétences enregistrées par le test de QI — aboutissant à un profil hétérogène — ressortent non d’une faiblesse intellectuelle, mais d’une différence dans la tournure d’esprit. Celle-ci ouvre à d’autres voies, certes singulières, qu’un esprit trop rationnel n’ose spontanément emprunter.

Fort de sa puissante, mais implacable rationalité consciente, le haut potentiel rationnel craint de penser hors du cadre, d’y rencontrer ses propres affects et certains objets du monde émotionnel. Sa timide propension à explorer l’univers sensible, de même que les défenses érigées contre ce dernier, ne lui permet pas de se montrer très créatif. Voilà qui interroge l’équilibre de ce profil qu’on tente de nous donner en modèle. Le surinvestissement intellectuel qui constitue le symptôme de sa défense contre les émotions donne à sa pensée des allures de Formule1, mais à quel prix ? Quid du développement de la dimension sensible, perceptive et émotionnelle de sa personnalité ? Ce profil ne serait-il pas tout compte fait, lui aussi, suradapté à son milieu ? De fait, il ne saurait être investi en référent de la douance.

   La distinction entre haut potentiel rationnel et haut potentiel intuitif est de première importance, sans quoi certains finiront par affirmer qu’un gaucher est un droitier contrarié. Il est plus constructif d’admettre d’emblée deux profils à part entière, tous deux placés en pole position, disposant de moyens distincts et tendus vers des objectifs distincts. Observons ce qui les réunit et tentons de comprendre ce qui les sépare. Défendons le droit à la différence, rejetons l’incomplétude d’un cartésianisme érigé en dogme et élevé au rang de religion. Certes, il y aura encore des auteurs pour tirer à hue et à dia, livrer de médiocres analyses qui abusent grassement du label « scientifique », brouillent les pistes et retardent l’avancée du débat.

   Tant que les actuelles échelles d’intelligence constitueront le socle commun pour penser le haut potentiel, tant qu’elles feront office de textes sacrés où s’instruisent les catéchismes de la norme cognitive, les définitions du HPI prêteront le flanc à d’incessantes remises en question.

 

3 - Le haut potentiel rationnel

 

   La clinique de la douance a paradoxalement prêté peu d’intérêt au haut potentiel rationnel. « Haut quotient intellectuel » était du reste la meilleure dénomination qu’elle lui avait jamais attribuée. La raison en revient, en partie, au fait qu’un seul et unique profil était reconnu en tant que tel. Jusqu’à ce que l’étude sur la philo-cognition conduite par Fanny Nusbaum (2019) rebatte les cartes en identifiant ce profil comme celui d’un haut potentiel à part entière.

   Sous la plume de Jeanne Siaud-Facchin, ce haut potentiel rationnel se laisse deviner sous les traits du « Brillant bosseur » dont la « … forme d’intelligence semblable à tous » est « … seulement différente en quantité et non en qualité ». Réservant le substantif surdoué au seul profil intuitif, elle ajoute : « … ces BB se distinguent des surdoués par leur facilité à utiliser leur potentiel dont les formes adaptées conviennent bien à notre société ».

   À propos de l’enfant surdoué, relevant du profil HP rationnel, Fanny Nusbaum, docteur en psychologie, écrit sur le site internet du centre Psyrène qu’elle dirige : « En résumé, l’enfant à Haut Potentiel Intellectuel, profil Laminaire, bénéficie de capacités cognitives, psychomotrices et relationnelles de bon niveau et – le plus important – en adéquation avec son environnement. Il n’éprouve ainsi pas la nécessité de défendre ou d’imposer sa place au sein du monde, puisqu’il sent cette place déjà acquise. Si aucun traumatisme ne vient freiner son évolution, le parcours de vie de cet enfant se révèle en général constructif et adapté.» 

   Plus classique, la douance de ce profil peut cependant générer des problématiques relationnelles par le décalage qu’elle introduit dans l’interlocution. De même, les complications psychologiques induites par sa réticence vis-à-vis des émotions peuvent demeurer invisibles aux yeux des autres, compensées ou masquées par sa puissante cognition.

 

4 - Le haut potentiel intuitif

 

Ce profil de surdoué se trouve dans la lumière de la douance en raison de son fonctionnement excentrique qui intrigue. Les difficultés auxquelles le système sociétal le confronte (institutionnel, scolaire, professionnel, etc.) et les complications qu’il rencontre dans ses relations aux autres, en font une thématique complexe.

 

4.1 - Comment le présenter ?

La psychologue Béatrice Millêtre (2017) dresse un portrait du surdoué intuitif en ces termes : « Les vrais surdoués sont des personnes plus intelligentes, mais qui n’en font pas étalage ; ils se sentent humbles et pas plus intelligents que les autres ; d’autres sont aussi intelligents qu’eux ; ils sont intuitifs, d’autres le sont aussi ; ils ont des valeurs, d’autres aussi ; ils sont curieux et passionnés de tout, d’autres également ; ils ont une mémoire d’éléphant, ce ne sont pas les seuls ; on les appelle œil de lynx, il n’y a pas qu’eux ; ils sont hypersensibles, certains le sont plus encore ; ils vont bien, nombre de nos congénères aussi. En revanche, ils sont les seuls à être tout cela à la fois. »

   La psychologue Jeanne Siaud-Facchin exprime en filigrane qu’il n’est pas de présentation du surdoué (HP intuitif) qui puisse s’exempter d’une reconnaissance des difficultés que génère sa pensée : « Pour lui, le combat, c’est lui-même d’abord. C’est parvenir à apprivoiser, dompter, canaliser sa pensée et sa compréhension tentaculaire du monde en un courant linéaire et concentré. »

   Le psychanalyste Carlos Tinoco, en fin clinicien, prévient dès les premières pages de son remarquable ouvrage Intelligents, trop intelligents (2014) que « Ce qu’il nous reste à découvrir, c’est pourquoi les performances cognitives repérées par les tests vont souvent de pair avec :

- Des capacités également hors normes dans des domaines qui n’ont apparemment rien à voir (artistiques, sportifs ou affectifs) ;

- Un fort désir d’autonomie ;

- Une hypersensibilité ;

- Une nécessité de revenir constamment à des questionnements universels ou existentiels ;

- Une très faible résistance à l’ennui ;

- Une propension à l’hyperactivité ;

- Une propension à un fonctionnement psychique cyclique alternant euphorie et dépression ;

- Des difficultés de socialisation ;

- Des troubles de l’apprentissage. »

 

4.2 Comment nommer sa singularité ?

   La description du profil présente certaines difficultés et sa désignation tout autant. Quel terme traduirait tout à la fois, un fonctionnement cognitif, perceptif et sensible dont la qualité aussi élevée que singulière, le ferait reconnaitre comme une collatérale de la norme ? La question est proprement kafkaïenne, car nommer c’est inéluctablement circonscrire. Or, si nombre de hauts potentiels intuitifs souhaitent que la désignation de leur particularité soit valorisée, ils redoutent autant l’exigüité d’une terminologie qui serait inapte à traduire l’originalité de leurs processus de pensée.

   Le terme surdoué « … est celui qui correspond le plus à la réalité scientifique… » nous dit Béatrice Millêtre. Encore faut-il se sentir légitime à endosser son préfixe « sur », lequel suggère une notion de performance. Or, la réalité scientifique s’accorde mal avec celle du haut potentiel intuitif dont le déploiement de la pensée exige des conditions spécifiques qui ne sont pas toujours réunies. C’est pourquoi le substantif surdoué ne peut se suffire à lui-même. Il appelle la nuance de l’adjectif intuitif, lequel atténue la dimension performative et accentue celle de la singularité. Ensemble, ils confirment le caractère hors norme du profil tout en le situant en parallèle de la norme.

   L’appellation « HPI » pour haut potentiel intellectuel est très en vogue par le fait des médias et du grand public. Elle focalise cependant excessivement sur l’aspect cognitif et néglige la contribution des sphères perceptive et sensible. Celle de « HP » pour haut potentiel est plus réservée. Elle renvoie à un capital de ressources mentales à l’état virtuel et sous-tend l’idée de productions à haute valeur ajoutée. Toutefois, il m’est avis qu’elle ne porte pas suffisamment les couleurs d’un fonctionnement prioritairement intuitif. « Haut potentiel intuitif » évoque davantage l’expression des potentialités intellectuelles, perceptives et sensibles qui caractérisent cette personnalité cognitive. Par une ironie du sort, dans cet ouvrage « HPI » désigne à la fois un haut potentiel intellectuel (regroupant les deux profils de surdoués) et un haut potentiel intuitif. Afin d’éviter toute confusion, « HPI » sera exclusivement réservée pour désigner le haut potentiel intellectuel en général.

   La classification « philo-cognitif complexe », récemment introduite dans le lexique de la douance par Fanny Nusbaum (2019) désigne cet individu accroc à l’activité de pensée. Cependant tout le monde pense non-stop, car c’est le job du cerveau que de générer des pensées, comme celui du cœur consiste à produire d’incessant battements et celui des poumons des respirations. Mais, ce qui n’est pas le fait de tout le monde concerne le nombre et la complexité des pensées générées.

   Quid du « zèbre » ? Surnom affectueux dont Jeanne Siaud-Facchin estampille les profils à haut potentiel identifiés dans ses centres « Cogito’Z » avec l’intention bienveillante d’alléger la charge émotionnelle attachée à l’injonction de performance. « Le zèbre, cet animal… qui est le seul que l’homme ne peut apprivoiser, … qui est tellement différent tout en étant pareil. Et puis, comme nos empreintes digitales, les rayures des zèbres sont uniques et leur permettent de se reconnaître entre eux. » Le terme usité dans un compte-rendu de bilan psychométrique de Cogito’Z demeure : « haut potentiel ». La rigueur scientifique est préservée au-delà de celle, bienveillante, de protéger son porteur des représentations anxiogènes attachées à ce terme.

   Béatrice Millêtre, désavoue cette proposition : « ... nous sommes tous des êtres humains, et ce terme de zèbre a un effet stigmatisant. » Et d'ajouter : « C’est faire acte de déni de sa propre personnalité et de sa propre spécificité. Cela conduit également à ne pas pouvoir aller bien, puisque obligeant à s’exclure de l’humanité. » 

   Nadine Kirchgessner, psychologue du développement, lui emboite le pas et jette un pavé dans la marre : « Je pose la question qui fâche ! Est-ce que les zèbres sont vraiment surdoués ? […] Chacun doit pouvoir envisager l’avenir positivement, en humain, et non en "zèbre". Se réfugier dans une communauté qui rabaisse à ce point la dignité des personnes surdouées n’est pas un signe de bonne santé psychique. »

   Soutenir clairement sa singularité sans ambivalence, sans faire preuve d’une excessive modestie — laquelle relève souvent d’un processus autodépréciatif — va dans le sens d’un juste équilibre. On est effectivement soit zèbre, soit surdoué (ou haut potentiel). Soit enfant, soit adulte. Cependant, après l’identification d’un HPI, le recours à cette imagerie naïve peut atténuer le malaise lié à la sensation d’un surclassement. La crainte anxieuse d’être un imposteur vous convainc de ne pas vous considérer à la hauteur de ce vocable. Combien ont passé la majeure partie de leur existence confrontée à des contre-performances mentales  ? Combien se sont disqualifiés depuis l’enfance jusqu’à dévaluer leur potentiel  ? Pour ceux-là, la question d’adopter ou non le substantif « surdoué » demeure très relative. Aussi, dans cet intervalle, le terme « zèbre » offre un délai d’acclimatation à la nouvelle réalité. La douance représente la surefficience intellectuelle quand la « zébritude » renvoie à l’atypie fonctionnelle. En présence d’une autodévalorisation, ce terme commute le sentiment négatif d’une insuffisance par celui d’une différence positive. Reconnaissons que c’est déjà pas mal !

   Gardons à l’esprit qu’il est peu aisé d’embrasser le concept de « haut potentiel ». Il faut du temps et un travail assidu pour obtenir les prises de conscience qui vont permettre de comprendre ce qui, dans ce format de pensée, se rapporte à sa propre personnalité cognitive. Et non d’épouser naïvement un modèle pour mimer ce qu’un « vrai surdoué »  !

   Cela étant, il est effectivement regrettable de s’éterniser dans ce mode de désignation de soi-même (zèbre). Au contraire, il convient de se repositionner sitôt que possible dans la pleine acceptation de la locution « surdoué » ou « haut potentiel », même si cela parait à l’intéressé présomptueux. La révélation d’un haut potentiel ne doit pas constituer une mise en demeure de réaliser des choses exceptionnelles. Elle invite simplement à investir ce que l’on découvre de soi et à l’accorder à son être profond. Les projets appartiennent à un second temps, lequel ne doit pas être celui de l’injonction à la réussite sociale comme preuve incontestable de sa douance. S’approprier la terminologie marque donc une étape très importante, en ce sens qu’elle conduit l’individu à affiner son identité en construisant une nouvelle représentation de son univers de pensée.

Biographie

(Cente PSYRENE, www.centre-psyrene.fr)

(Béatrice MILLETRE, Le livre des vrais surdoués, Payotpsy, 2017)

(Jeanne SIAUD-FACCHIN, Trop intelligent pour être heureux ?, Odile Jacob, 2008)

(Carlos TINOCO, Intelligents, trop intelligents – Les "surdoués" de l’autre côté du miroir, Editions Jean-Claude LATTES, 2014)

(Jeanne SIAUD-FACCHIN, Trop intelligent pour être heureux ?, Odile Jacob, 2008)

(Béatrice MILLETRE, Le livre des vrais surdoués, Payotpsy, 2017)

(Nadine KIRCHGESSNER, Les surdoués atteints de haut potentiel, Les Editions du Net, 2016)

Forces et Décalage est un livre de Psychologie du Haut potentiel Intellectuel, Asperger-Hpi et sur l'Hypersensibilité. L'auteur Thierry Charnet-Atlan est Coach HPI et Consultant en Stratégie Managériale.
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